Thomas Gottstein, le directeur général de Credit Suisse, à Zurich, en Suisse, le 13 février 2020. ENNIO LEANZA / AP « Credit Suisse a désormais remplacé Deutsche Bank comme principal fournisseur de scandales sur la place financière mondiale. » Ce constat sévère, publié le 21 octobre dans les colonnes du Neue Zürcher Zeitung, tranche avec le ton habituel du quotidien libéral zurichois. A l’origine de ce désaveu, une succession de scandales en tout genre qui ont affaibli, ces deux dernières années, la deuxième banque suisse, au point de ranimer avant l’été des rumeurs de fusion avec sa rivale UBS. La dernière avanie est liée à l’affaire dite des « tuna bonds » du Mozambique. Le 19 octobre, Credit Suisse a conclu des accords avec les autorités américaines, britanniques et suisses pour éteindre les poursuites liées à des crédits suspects, accordés à des entreprises d’Etat du Mozambique, au cœur d’une vaste affaire de corruption. La banque devra s’acquitter de 475 millions de dollars de pénalités et a convenu avec les autorités britanniques d’annuler pour 200 millions de dollars de dette dus par le Mozambique. L’autorité suisse des marchés financiers, la Finma, va en outre lui imposer des restrictions pour les octrois de crédits à des pays « financièrement faibles ou exposés à la corruption ». « Contraintes et menaces » La transaction remonte à 2013 : les filiales britanniques de Credit Suisse organisent deux crédits garantis par l’Etat du Mozambique, pour un total d’un milliard de dollars, à deux sociétés étatiques. Ces crédits, qui représentaient presque 6 % du produit intérieur brut du pays, sont ensuite convertis en obligations, placées auprès d’investisseurs. Ils étaient initialement destinés à financer l’achat de navires patrouilleurs côtiers et d’une flotte pour la pêche au thon. Ils auraient en fait largement servi à entretenir la corruption au profit de proches du pouvoir.

L’affaire éclate en 2016, lorsque le gouvernement mozambicain révèle avoir contracté ces prêts sans prévenir le Parlement ni ses bailleurs de fonds. Après ce scandale, le FMI et la plupart des bailleurs suspendent leur aide. Le Mozambique interrompt alors le remboursement de sa dette, sa monnaie s’effondre, plongeant le pays – l’un des plus pauvres du monde – dans une grave crise financière.

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Un tout autre scandale vient secouer le groupe bancaire en septembre 2019. Le pays découvre par la presse qu’un ancien banquier vedette de Credit Suisse, Iqbal Khan, passé chez son concurrent UBS, a déposé plainte pour « contraintes et menaces ». Alors qu’il circulait en voiture à Zurich, il pense être suivi, s’arrête pour prendre en photo la plaque d’immatriculation de l’auteur de la filature, qui descend et en vient aux mains. L’homme s’avère être un employé d’une agence de détectives, mandatée par Credit Suisse. Le groupe a monté cette opération, redoutant qu’Iqbal Khan ne débauche d’ex-collaborateurs, voire des clients. L’affaire sidère la place financière, habituée à traiter ses démêlés avec discrétion. Trois mois plus tard, la banque reconnaît l’existence d’une deuxième affaire d’espionnage, qui finira par provoquer le départ de Tidjane Thiam, le directeur général franco-ivoirien de la banque helvétique, en février 2020. Il vous reste 43.04% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

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